JE NE ME TIENS PAS BIEN À CARREAUX Poem by Valérie Rouzeau

JE NE ME TIENS PAS BIEN À CARREAUX

À la mémoire de Fernande Zang
Dorénavant sans ciel avec torchon d'aïeule un fantôme
Un revenant coton autant dire un nuage passé troué
Autant dire que je pleure dans le grand mouchoir que ça devient
Dieu perce rien on sait bien qu'y 'xiste pas guère

Il y a des pâquerettes et du vide en ce morceau de tissu
Un jour fut sur l'épaule de grand-maman jeune femme
Un jour c'est dans le temps d'avant le temps navrant
Je vois des têtes de frères dans les buissons avec épines et liserons
Je vois les oreilles du cheval qui dépassent plus loin
La petite sœur boude quelque part dans le trèfle à trois feuilles ou sous le hangar en tôle grincheuse
Et moi où ai-je la tête

Pas dans la cuisine avec l'éponge au dos très vert gratteux
Les queues des casseroles comme les oreilles du cheval attention
La lettre du père noël dans le livre aux 365 recettes
La lettre du père fouettard confettis qu'on fit tard
Torchons serviettes coulants les nœuds
Ma caboche pas plus là qu'un canard sous la table encore que
Dans cette mômerie on trouve de tout et de memôire
Alors pourquoi pas sous la table à rallonges des gronde partance

Les canards étaient vrais ou faux
On n'a jamais une tête de trop
Même aux vécés avec les journaux les grillons les étrons
On a rarement une tête sans tronc

Et je ne perdrai pas la main dans ce torchon
Ce linge pas lange quoique
Ça marcherait dans une petite chanson
Une petite chanson domestique de joie dissoluble
Qu'un lange y vole

Torchon dérobé à l'armoire pour mémoire et non
Rectangle de toile qu'on utilise pour essuyer la vaisselle
Serpillière belge ou encore texte écrit sans soin
Et s'il brûle c'est de l'eau dans le gaz

Torchon comme une guitare
Un joli coup, un nénuphar
Une minuscule nappe de fortune
(Le hasard rime avec la lune
Et le violon n'est pas jaloux)

Ceci n'est peut-être pas carrément un poème
Mais je me demandais pourquoi j'avais envolé ce torchon
De l'armoire de grand-mère lorsqu'elle est morte hier
Les motifs n'en sont pas des pâquerettes mais deux canards
Deux gros canards et douze oranges
Qu'elles roulent les oranges qu'ils montent les canards lourds
Au paradis perdu toujours
Parmi les pélicans les grues les pères ubus
Et tout ce que je ne sais plus

Nous sommes les sans ciel nous essuyons
Qu'ils montent l'essentiel les canards aux oranges
À présent je comprends un rien de quelque chose
J'ai subtilisé ce torchon
Pour trouver mes paroles
Je sais que ma grand-mère me pardonne d'être drôle
Avec du machin grave

Elle veut bien que l'on rie de ce qu'elle avait mis
Mémé ses deux maris dans le même caveau dans le même infini où elle les rejoignit
Grave c'est tombe outre-Manche prononcé autrement
Je retrouve toute ma tête elle est dans le mouchoir
Le mouchoir de géant le torchon du vieux temps
Et elle tourne sûrement.

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