Sur leur balcon céleste, les dieux sont unis
Pour voir le destin que les hommes ont bâti,
Eux-mêmes.Ils ont leurs éclairs et leurs tonnerres
Pour créer les foudres de trépas arbitraire.
Hier encore, la plaine souriait au temps,
Aujourd'hui, elle se morfond sur un sol mourant.
Son cœur meurtri accueille le sang du calvaire,
Les agonisants geignent dans leur mal austère.
L'enfer des deux côtés blesse le bleu du ciel,
Les soldats s'effondrent sous le feu démentiel,
Les uns, le visage enfoui dans l'herbe verte,
Les autres, le regard scrute la voûte ouverte.
Ils résistent encor, mais hurlent de douleur,
S'enfoncent dans l'embrasement de l'horreur.
Les fusils crachent leurs projectiles sans peine,
Les canons tonnent ferme dans la vaste plaine,
Les grenadiers se heurtent devant le guêpier,
La cavalerie charge les chasseurs à pied,
Les unités françaises sont exténuées,
Elles ont livré le combat toute la journée.
Les chevaux se cabrent, errent dans le bourbier,
Ils se sauvent, laissant tomber leurs cavaliers.
Un général, sabre au clair, domine sans peur,
Mais anéanti par une balle en plein cœur,
Il s'agrippe à la crinière de sa monture
Qui l'entraîne au galop vers un mauvais augure.
L'artillerie française n'a plus de fonction,
Les baïonnettes font leur entrée en action.
Devant la tragédie, on fait donner la Garde,
Mais elle bat en retraite sans crier gare.
Pourquoi Grouchy ne marche-t-il pas au canon?
C'est pourtant, l'ultime attente des bataillons!
Blücher, soudain, apparait avec son armée
Et ses colonnes nouvellement renforcées.
Marchant à la cadence du jeune tambour
Qui chante comme un imbécile troubadour.
Dans les rangs français, le chaos se fait sentir.
Le courage n'ôtant pas la peur de mourir,
L'armée se décampe dans le plus grand désordre,
Abandonnant tous termes d'ordre et contrordre.
Le trouble succède à la frayeur générale,
On se laisse aller dans une lutte fatale,
Les récalcitrants se font vider de leur sang,
Invoquant, dans la souffrance, le Tout-Puissant.
Le « sauve qui peut » s'emballe à toute vitesse,
Mettant à court l'assortiment de la prouesse.
Toute la résistance française est à bout,
La bataille prend fin entre chien et loup.
Quelques tirs persistent dans l'épaisse fumée,
Mais le silence sinistre fait son entrée,
Une brise affleure les tenues maculées…
Le soleil se dérobe à l'horizon blafard,
Des silhouettes provenant de nulle part
Se disputent des effets des soldats inertes,
Petites richesses pour grandes misères.
Les dieux, lassés par le spectacle décevant,
Quittent le balcon laissant le labeur au temps
Pour panser les plaies de la plaine moribonde
Où les âmes des anatomies vagabondent,
Perdues dans l'espace funèbre et nébuleux.
Où mène la mort les trépassés glorieux?
Après ses luttes sanglantes et meurtrières,
Les morts ne sont pas des héros à part entière,
Ils sont dénombrés à grands coups d'estimation
Sans aucun renom, sans aucune distinction.
Ils sont enterrés dans les fosses communes
Par les pelles de ces croque-morts de fortune.
L'homme dont la clarté trace les traits puissants
D'une ombre ineffaçable de héros vaillant,
Vacille dans l'empire de la déchéance,
Par la souffrance d'un exil sans indulgence.
Ô Waterloo, que tes larmes d'éplorement
Favorise le vert des sens de l'agrément!
Ô Sainte Hélène, laisse tes couleurs vermeilles
À l'heure où l'horizon de Longwood se réveille!
Marcel Moreau - (Ecrits démesurés-ISBN: 978-2-407-00464-5)
This poem has not been translated into any other language yet.
I would like to translate this poem