Cervantès Aux Européennes Poem by Marcel Aouizerate

La lecture du Quichotte - exercice qui devrait être, à l’instar du renouvellement du permis de conduire, imposé à chacun à intervalles réguliers - permet de reconnaître la montée en puissance de manifestations parfaitement sinistres de l’intellect.

Pour un nombre croissant d’électeurs, « le réel a cessé d’avoir lieu ». Alors bien sûr, la réalité directe, celle de l’impôt et du chômage, celle du travail et du salaire, celle-ci existe absolument, mais la sévérité de son verdict est ailleurs: dans la manipulation des élites, dans la magie lointaine des bureaucraties; les théoriciens du complot ouvrent leurs comptoirs jusque dans nos isoloirs.

L’atmosphère xénophobe (prononcer « patriotique » dans notre langue nouvelle) pénètre même les milieux d’affaires et ne dit rien d’autre: tout arrive du fait des machinations malignes et constantes de l’Enchanteur. Aujourd’hui, l’Enchanteur qui fait flancher tous les plans du héros national, contrariant le redressement des courbes et la réduction des dettes, prend le nom d’Europe; prend le nom de mondialisation; prend le nom d’étranger avide de nos « fleurons ».

Et j’en viens à penser que la tragédie qui s'annonce ne trouve pas son origine dans la prolifération déjà ancienne de très ivres Hidalgos, mais dans la démission récente des plus sobres Sancho Pança qui cheminaient à leurs cotés, toujours capables au bon moment de voir dans le heaume doré de Mambrin un vulgaire plat à barbe en cuivre.